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L'enfant à naître peut-il demander réparation du préjudice résultant du meurtre de son grand-père ?

Le 7 septembre 2014, Monsieur A a été tué par arme blanche. L’auteur des faits a été déclaré coupable de meurtre par une cour d'assises.

Les proches du défunt ont obtenu l'indemnisation du préjudice résultant du meurtre de Monsieur A.


Une question subsistait : Un enfant conçu mais non encore né peut-il demander réparation du préjudice résultant du meurtre de son grand-père ?

La fille de Monsieur A, que l'on appellera Madame B, était en effet enceinte de son deuxième enfant lorsque Monsieur A, son père, a été tué. La petite que l'on appellera Lana est née quelques semaines plus tard.


Madame B a donc souhaité obtenir une indemnisation en réparation du préjudice subi par sa fille Lana, estimant que cette dernière n'aurait jamais la chance de connaître son grand-père et qu'il en découlait un préjudice.


Elle a dès lors saisi la Commission d’indemnisation d’une victimes d’infractions, ès qualité de représentante légale de sa fille Lana, pour voir réparer le préjudice subi par sa fille. Son argumentation a été la suivante :

« En raison de ce décès, [sa fille Lana] a été privée de la présence affective de son grand-père, dont elle avait vocation à bénéficier, le principe de l'absence de personnalité juridique de l’enfant in utero ne s'opposant pas à ce que celui-ci, né vivant et viable, puisse demander et obtenir la sanction d’un fait juridique intervenu pendant la grossesse de sa mère, et qui lui a causé un dommage révélé à sa naissance ; qu’ainsi, le préjudice moral de [Lana] est avéré, de même que le lien de causalité entre ce préjudice moral et le décès de [Monsieur A] ».


Elle a considéré que « c'est parce que ce décès, dû à un fait volontaire présentant le caractère matériel d’une infraction, est survenu après la conception et avant la naissance de [Lana], que celle-ci souffre nécessairement de l’absence définitive de son grand-père maternel, qu’elle ne connaîtra jamais qu’au travers des souvenirs évoqués par les autres membres de la famille ». Il était par ailleurs précisé que [Monsieur A] entretenait une relation particulière avec son petit-fils déjà né puisque le Médecin Légiste a relevé la présence d’un tatouage sur le corps du défunt, mentionnant le prénom « Théo », qui est le frère aîné de Lana.


Madame B a considéré « que rien ne permet de penser que [Monsieur A] aurait eu une relation différente avec Lana par rapport à son premier petit enfant dont l'indemnisation n’est nullement contestée » et « qu’elle a été privée, à quelques semaines de sa naissance, de l’affection de son grand-père ; que dès lors elle subit au titre de cette perte de chance, un préjudice particulier en lien de causalité directe avec le décès de la victime directe ».


Le Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions a adopté le positionnement inverse et a fait grief à l’arrêt de Cour d’appel qui avait admis l’indemnisation du préjudice subi par la petite Lana.

Le Fonds de garantie a estimé « qu’il n'existe pas de lien de causalité entre le décès de la victime et le dommage moral invoqué par sa petite fille née après le décès de son grand-père. »

Il a tenté de convaincre en indiquant que si le fait de naître et de vivre sans père ou sans mère, en raison de la disparition prématurée de l’un de ces derniers, peut effectivement constituer un préjudice indemnisable en raison du lien de filiation qui unit l’enfant conçu et à naître à ses parents, il n'en va pas de même lorsque le défunt est un autre membre de la famille.


Selon le Fonds de garantie, le préjudice à raison du décès d’un autre membre de la famille ne peut être présumé.


La Cour de cassation a tranché de la manière suivante :

« L'enfant qui était conçu au moment du décès de la victime directe de faits présentant le caractère matériel d'une infraction peut demander réparation du préjudice que lui cause ce décès. »

Ainsi, l’enfant étant déjà conçue au moment du décès de son grand-père, elle a effectivement été privée par un fait présentant le caractère matériel d'une infraction de la présence de son grand-père dont elle avait vocation à bénéficier, et souffrait ainsi nécessairement de son absence définitive, sans avoir à justifier qu'elle aurait entretenu des liens particuliers d'affection avec lui si elle l'avait connu.


La Cour de cassation a donc déclaré la demande d'indemnisation de son préjudice moral recevable.





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