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Nullité d'un dépistage d'usage de stupéfiants lors d'un contrôle routier

Dernière mise à jour : 4 oct. 2022

Le 18 novembre, Monsieur A. a été contrôlé par les forces de l'ordre alors qu'il était au volant de son véhicule.


Il a d’abord été soumis au dépistage de l’imprégnation alcoolique par air expiré à l’aide d’un éthylotest, qui s’est avéré négatif, avant d’être soumis à un dépistage salivaire en vue de rechercher s’il avait fait usage de stupéfiants.


Ce dépistage s’est avéré positif au cannabis et aux amphétamines, de sorte qu’il a été procédé à un prélèvement salivaire.


L’unique flacon contenant la salive collectée a été envoyé au laboratoire afin qu’il soit procédé à la recherche de substances classées comme stupéfiants.


Le 29 novembre, Monsieur A. a été contacté par téléphone par l’enquêteur en charge du dossier, qui lui a indiqué avoir reçu les résultats de l’analyse effectuée par le laboratoire, laquelle s’est avéré positive.


Il l’a ainsi convoqué afin qu’il soit procédé à son audition, qui a été réalisée le 4 décembre.


Suite à son audition, Monsieur A. s’est vu remettre une convocation en justice pour comparaître pour les faits de conduite d'un véhicule après avoir fait usage de produits stupéfiants.


Après avoir passé au peigne fin le dossier d'enquête, nous avons relevé que la procédure n'avait pas été correctement suivie, et avons soulevé la nullité de la procédure devant le Tribunal, et ce pour deux motifs.


1/ L’absence de réalisation d’une expertise ou d’un examen technique


Aux termes de l’article R. 235-11 du Code de la route :


« Dans un délai de cinq jours suivant la notification des résultats de l'analyse de son prélèvement salivaire ou sanguin, à condition, dans le premier cas, qu'il se soit réservé la possibilité prévue au deuxième alinéa du I de l'article R. 235-6, le conducteur peut demander au procureur de la République, au juge d'instruction ou à la juridiction de jugement qu'il soit procédé à partir du tube prévu au second alinéa de l'article R. 235-9 à un examen technique ou à une expertise en application des articles 60,77-1 et 156 du code de procédure pénale. »


Au moment de son contrôle et à la suite du prélèvement salivaire effectué par l’Officier de Police Judiciaire, Monsieur A. a bel et bien été informé de la possibilité qui lui était offerte de demander qu’il soit procédé à un examen technique ou à une expertise, conformément aux dispositions réglementaires.


Un formulaire d'information lui a été soumis, prouvant que cette information avait été délivrée.


Monsieur A. a indiqué dans ce formulaire qu'il souhaitait se réserver la possibilité de demander l’examen technique ou l’expertise prévue par cet article R. 235-11.


C’est ainsi qu’après avoir reçu la notification téléphonique du résultat de l’analyse salivaire effectuée par la laboratoire requis par l’Officier de police judiciaire, Monsieur A. a immédiatement adressé, le 29 novembre, un courrier recommandé avec avis de réception à Monsieur le Procureur de la République, sollicitant la réalisation d'une expertise.


Aucune réponse n'a été apportée à ce courrier.


S'il est vrai que la notification officielle du résultat de l’analyse salivaire a été faite le 4 décembre, avant que le délai de 5 jours pour former la demande d'expertise n'ait commencé à courir, nous avons estimé que cela n'empêchait pas le prévenu de solliciter l'expertise en amont, avant même que ce délai n'ait commencé à courir.


Conséquence : A défaut d’expertise ou d’examen technique effectué malgré la demande formée par Monsieur A., cette omission faisant nécessairement grief au prévenu, le Tribunal ne pourrait que considérer que le contrôle visant à établir l’usage de stupéfiants est irrégulier et, partant, toute la procédure subséquente, devait être annulée.


Le Tribunal a finalement rejeté cette exception de nullité, considérant que l'absence de réponse à la demande d'expertise ne faisait pas grief au prévenu.


Il a toutefois suivi notre raisonnement et prononcé la nullité de la procédure sur le deuxième moyen soulevé, relatif à l'absence de réalisation d'un prélèvement sanguin.


2/ L’absence de prélèvement sanguin


Aux termes de l’article R. 235-6 du Code de la route :


« I.- Le prélèvement salivaire est effectué par un officier ou agent de police judiciaire de la gendarmerie ou de la police nationales territorialement compétent à l'aide d'un nécessaire, en se conformant aux méthodes et conditions prescrites par l'arrêté prévu à l'article R. 235-4.

A la suite de ce prélèvement, l'officier ou l'agent de police judiciaire demande au conducteur s'il souhaite se réserver la possibilité de demander l'examen technique ou l'expertise prévus par l'article R. 235-11 ou la recherche de l'usage des médicaments psychoactifs prévus au même article.

Si la réponse est positive, il est procédé dans le plus court délai possible à un prélèvement sanguin dans les conditions fixées au II. »


Comme vu précédemment, Monsieur A. s’est réservé, à la suite du prélèvement salivaire effectué, la possibilité de demander un examen technique ou une expertise, en cochant la case dédiée sur le formulaire d'information.


Dès lors, en application de l’article R.235-6 alinéa 3 du Code de la route, il aurait dû être procédé immédiatement à un prélèvement sanguin.


Par ailleurs, selon les termes de l’article R.235-9 du Code de la route, l’OPJ aurait dû, après avoir soumis Monsieur A. à un prélèvement sanguin, adresser les deux échantillons prélevés à un laboratoire, lequel aurait dû conserver un des deux tubes « en vue d’une demande éventuelle d’un expertise technique ou d’une expertise ».


Dans ce dossier, aucun prélèvement sanguin n’a été effectué.


Nous avons donc indiqué au Tribunal que quand bien même le Procureur de la République aurait pris en compte la demande d’expertise formée le 29 novembre, celle-ci n’aurait pas pu être réalisée, en l’absence de prélèvement sanguin effectué au moment du contrôle sur la personne de Monsieur A.


En l’absence de prélèvement sanguin effectué dans le respect des dispositions susvisées, aucune expertise ni aucun examen technique n’aurait pu être réalisé, faisant nécessairement grief au prévenu qui n’aurait en tout état de cause pas pu matériellement bénéficier de cette expertise.


Ainsi, la nullité de la procédure a été soulevée, et prononcée par le Tribunal, pour ce motif.


Monsieur A. n'a donc pas été condamné pour l'infraction de conduite d'un véhicule après avoir fait usage de stupéfiants, parce que la procédure était entachée d'irrégularité.


Quelques conseils en cas de contrôle routier et de recherche de l'usage de produits stupéfiants


En cas de contrôle routier, si les forces de l'ordre souhaitent vous soumettre au dépistage de l'usage de produits stupéfiants, il est dans un premier temps impératif d'accepter ce dépistage, au risque de se voir reprocher l'infraction prévue à l'article L. 235-3 du Code de la route, qui dispose :


"I.-Le fait de refuser de se soumettre aux vérifications prévues par l'article L. 235-2 est puni de deux ans d'emprisonnement et de 4 500 euros d'amende.

II.-Toute personne coupable de ce délit encourt également les peines complémentaires suivantes :

1° La suspension pour une durée de trois ans au plus du permis de conduire ; cette suspension ne peut pas être limitée à la conduite en dehors de l'activité professionnelle ; elle ne peut être assortie du sursis, même partiellement ;

2° L'annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis pendant trois ans au plus ;

3° La peine de travail d'intérêt général selon les modalités prévues à l'article 131-8 du code pénal et selon les conditions prévues aux articles 131-22 à 131-24 du même code et à l'article L. 122-1 du code de la justice pénale des mineurs ;

4° La peine de jours-amende dans les conditions fixées aux articles 131-5 et 131-25 du code pénal ;

5° L'interdiction de conduire certains véhicules terrestres à moteur, y compris ceux pour la conduite desquels le permis de conduire n'est pas exigé, pour une durée de cinq ans au plus ;

6° L'obligation d'accomplir, à ses frais, un stage de sensibilisation à la sécurité routière ;

7° L'obligation d'accomplir, à ses frais, un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants ;

8° La confiscation du véhicule dont le condamné s'est servi pour commettre l'infraction, s'il en est le propriétaire.

III.-Ce délit donne lieu de plein droit à la réduction de la moitié du nombre maximal de points du permis de conduire."


Lorsque l'on sait que l'on a consommé des stupéfiants, il peut parfois être tentant de refuser le contrôle, de peur d'être positif, de perdre son permis de conduire, d'être convoqué devant un Tribunal, etc.


Reflexe naturel, mais mauvais réflexe ! En cas de refus de se soumettre à ces vérifications, les conséquences judiciaires sont les mêmes que si le dépistage réalisé s'était avéré positif.


Il est donc important de laisser faire le dépistage.


Il est également indispensable de lire, avant de les signer, l'ensemble des documents qui vous seront soumis par les forces de l'ordre.


Il est par ailleurs judicieux d'indiquer, sur le formulaire d'information (si celui-ci vous est soumis, bien sûr) relatif à la possibilité de se réserver le droit de demander un examen technique ou une expertise, que vous souhaitez vous réserver ce droit. A ce moment-là, les forces de l'ordre doivent faire réaliser une prise de sang.


Il sera ensuite impératif d'écrire au Procureur de la République, dans les 5 jours suivant la notification du résultat des analyses réalisées, pour demander la mise en œuvre de l'expertise technique ou de l'expertise.


Si les forces de l'ordre ne vous font signer aucun document vous informant que vous avez le droit de demander une expertise, ou s'ils ne font pas réaliser la prise de sang, ou encore si le Procureur de la République de répond pas favorablement à votre demande d'expertise, la procédure pourrait être annulée.


En tout état de cause, en cas de convocation au Tribunal suite à un tel contrôle routier, il est opportun de consulter un avocat qui saura vous conseiller et examiner le dossier pénal avec attention.


Noémie ROZANE

Avocat au Barreau de TARBES

www.rozane-avocat.com



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